Une femme à la culture encyclopédique
Après l’envoi du noble Prophète Mohammed, , l’humanité a une grande dette envers deux femmes qui ont contribué à préserver le message prophétique tel quel. L’une d’elle a le mérite d’avoir pris en charge le noble Prophète et mis à sa disposition les moyens nécessaires pour transmettre son message. L’autre a eu l’honneur de préserver ce message et de le transmettre aux générations suivantes. L’imam Dhahabi (mort en 748 de l’Hégire) a même dit d’elle dans son ouvrage Siyar A’lâm Al-Nubala : ‘ Je ne connais personne dans cette communauté – et même de toute l’humanité – qui détient plus de savoir qu’elle !! ‘ C’est grâce à ces deux grandes personnalités que l’islam a pu se répandre dans les différentes contrées de ce monde.
Khadija Bint Khuaylid, qu’Allah soit satisfait d’elle, (morte en l’an 3 avant l’Hégire), était le soutient vers lequel se réfugiait le Prophète, . C’est elle qui l’a pris en charge et l’a soutenu. Il n’a d’ailleurs jamais oublié, malgré les années, tous les mérites qu’elle a à son encontre et n’a eu cesse de les mentionner. Il dit par exemple : « Elle a eu foi en moi alors que tout le monde me niait. Elle a cru que je disais la vérité alors que les gens me traitaient de menteur. Elle m’a soutenu avec son argent alors que personne ne le faisait. » (Ahmad). Quant à Aisha, qu’Allah soit satisfait d’elle, (morte en l’an 57 de l’Hégire), elle fut l’œil qui observait le quotidien du Prophète, , la première élève studieuse de l’école prophétique.
Une enfance unique
Suite à la mort de Khadija, qu’Allah soit satisfait d’elle, le Prophète Mohammed, , devait se remarier puisque son épouse lui avait laissé des enfants qu’il fallait éduquer. Il choisit donc pour épouse Sawda Bint Zum’a, qu’Allah soit satisfait d’elle, (morte en l’an 54 de l’Hégire). C’était une femme qui avait déjà été marié et maitrisait bien la gestion d’un foyer et l’éducation des enfants. Avec ceci, elle était d’agréable compagnie et amusante. ‘ Elle faisait rire le Prophète, ‘ comme le dit l’imam Dhahabi dans son Siyar. Il vécut ainsi trois ans durant, se consacrant à la prédication, aux préparatifs de l’Hégire et aux débuts d’une nouvelle étape de son cheminement dans la transmission du message.
Une fois bien installé à Médine, le Prophète, , trouva une personnalité de génie à proximité de lui. Elle disposait de qualités spécifiques qui lui permettraient de préserver l’héritage de la prophétie. Tout à fait disposée à recevoir cette science et à la transmettre après sa mort. Cette personnalité n’était autre que cette jeune fille qui émergeait dans le foyer de son compagnon de route durant l’Hégire, Abu Bakr le véridique (mort en l’an 13 de l’Hégire). Il s’agit de sa fille Aisha. Celle qui, quand l’imam Sha’bi la mentionnait, s’étonnait de la subtilité de sa compréhension et de largesse de son savoir. Il disait alors : ‘ Que pensez-vous du comportement prophétique ?’
Aisha grandit dans une maison exempte de tout aspect polythéiste. L’amour, la miséricorde et la ferveur pour la nouvelle religion y régnait. Son père, Abu Bakr le Taymî, le Qurashî, s’est marié avec sa mère Umm Rûmân Al-Kittâniyya (morte en l’an 6 de l’Hégire). Elle était arrivée à La Mecque en provenance de la région de son peuple, lieu-dit Al-Surra, au Sud de La Mecque. Elle était alors accompagnée de son mari Abdullah ibn Al-Hârith qui était allié à Abu Bakr. Mais il ne tarda pas à mourir et Abu Bakr, ce noble Qurayshite, s’empressa de prendre cette noble étrangère pour épouse, elle qui n’avait aucun soutien à La Mecque. Il se comporta avec elle comme l’exigeait l’usage, avec attention. Elle adhéra à l’islam et se conforma à ses préceptes de bonne façon. Aisha fut donc le fruit de cette bonne maison.
Aisha grandit dans une maison qui prenait la défense de l’islam et du Prophète. Elle dit d’ailleurs : ‘ Je ne me rappelle pas avoir connu mes parents autrement qu’en étant musulman.’ (Boukhari). Son père Abu Bakr et les épreuves qu’il subit pour servir l’islam sont autant connu que la religion de l’islam elle-même. Quant à sa mère, le Prophète, , lui fit ses adieux quand il l’enterra de ses nobles mains en disant : « Ô Allah, tu sais bien ce qu’a dû subir Umm Rûmân pour Toi et Ton Prophète. » Selon ce que rapporte Ibn Hajar (852H.) dans son livre Al-Isâba Fî Tamyîz Al-Sahâba.
C’est son père qui pris en charge son instruction puisqu’il n’était pas occupé comme le pouvaient l’être les fils des grandes famille Qurashites comme les Bani Hâshim, les Bani Umayya, les Bani Makhzûm. Abu Bakr se consacrait à son commerce et sa famille. Aisha appris donc de son père les savoirs de son peuple, l’éloquence, la poésie, les histoires des arabes et la généalogie. D’ailleurs Abu Bakr était le dépositaire de cette dernière discipline et comme le fit remarquer Ibn Hishâm dans sa Sîra, il était surnommé ‘ l’homme de Quraysh qui connait le mieux la généalogie des Quraysh.’ Aisha avait acquis une parfaite maitrise de tous ces savoirs. Elle dit une fois : « Le Prophète, , me dit un jour : Ô Aisha, qu’as-tu fais avec tes poèmes ? Desquels tu veux parler, ils sont tellement nombreux, lui dit-elle. » (Tabarani).
Abu Zinâd Al-Madani (130H.) a dit : ‘ Je n’ai vu personne qui rapporte plus de poème que ‘Urwa (ibn Zubayr, mort en 94H.). Un jour, on lui dit : Que sont nombreux les poèmes que tu rapportes ! Il dit en retour : Ce n’est rien par rapport à ce que rapporte Aisha ! Aucun évènement ne se produisait sans qu’elle n’entonne des vers sur le sujet !’ Or, ‘Urwa n’était qu’un des fruits de sa tante maternelle Aisha et un de ses nobles élèves. Il avait tant de savoir que les compagnons en venaient à lui poser des questions sur la religion. Il rapporte : ‘ Je n’ai quitté Aisha que trois ans avant sa mort.’ Ceci, selon ce que rapporte l’imam Al-Mizî (742 H.) dans Tahdhîb Al-Kamâl. L’imam Dhahabi dans son Siyar rapporte de Hishâm ibn ‘Urwa ces propos : ‘ Je n’ai jamais vu personne qui connait mieux le Coran, les obligatoires religieuses, le licite et l’illicite, les poèmes, les histoires des arabes et leur généalogie que Aisha.’
Des aptitudes innées
Aisha disposait de deux aptitudes qui lui ont permis de conserver le savoir prophétique. La première de ces deux aptitudes est innée. Il s’agit de sa capacité à mémoriser rapidement, à bien comprendre le sujet et à bien s’exprimer. Nous n’exagérons pas en disant qu’elle avait une mémoire extraordinaire qui lui permettait de retenir tout ce qu’elle voulait. C’est pour cela qu’elle mémorisait tous les faits en les écoutant une seule fois comme ce fut le cas lorsqu’elle rapporta l’épisode de la bataille du chameau en l’an 36 H. et les poèmes qu’entonnaient les Bani Dabba qui la protégeaient lorsqu’elle se trouvait dans son palanquin alors que la mort la guettait de tous les côtés.
Boukhari (256 H.) rapporte un récit qui met en évidence sa rapidité de compréhension des hadiths et son aptitude à en exprimer le sens. Elle dit : « Une femme demanda au Prophète comment se purifier de ses règles. Il lui expliqua comment se laver et dit : prends un bout de tissus parfumé et purifie-toi avec. Mais elle demanda : comment ça je me purifie avec ? Il répéta : purifies-toi avec ! Mais elle insista : Comment ? Il dit alors : Gloire à Allah ! Purifie-toi ! Je tirais alors cette femme vers moi et lui dis : Enlèves les traces de sang ! » Elle lui expliqua donc ce que voulait signifier le Prophète, , qui, gêné, ne l’exprima pas en termes explicites. Quant à Aisha, sa pudeur ne l’empêcha de le lui dire clairement. Elle sut reprendre les termes et les formuler de la manière la plus complète.
‘Urwa, son premier élève, admirait son savoir encyclopédique et s’étonnait de sa connaissance de nombreux domaines du savoir et en particulier la médecine. L’imam Ahmad (241 H.) rapporte dans son Musnad qu’il l’interrogea une fois en ces termes : ‘ Ô mère, je ne suis pas étonné par ta compréhension de la religion car je me dis que tu es la femme du Prophète et la fille d’Abu Bakr. Je ne suis pas étonné de ta connaissance des poèmes et des histoires des arabes puisque tu es la fille d’Abu Bakr qui était, sinon le plus savant, l’un des plus savants de ce domaine. En réalité, je suis étonné par ta connaissance de la médecine, comment as-tu pu l’acquérir ? Et d’où te vient-elle ? Elle me tapota à l’épaule et me dit : Ô mon petit ‘Urwa, le Prophète tombait souvent malade à la fin de sa vie, des délégations d’arabe arrivaient de partout pour lui prescrire des remèdes avec lesquels je le soignais. C’est de là que j’ai appris la médecine.’
En disant : ‘ c’est de là que j’ai appris la médecine ‘, il y a là exactement la phrase à laquelle nous souhaitons nous référer puisque c’est comme si elle disait qu’en appliquant une seule fois le remède elle apprit la médecine. Une autre version vient conforter notre avis. Elle est rapportée par Dhahabi dans Târîkh Al-Islam. Selon Hishâm ibn ‘Urwa, selon son père qui dit : ‘ Je n’ai jamais vu personne de plus savant en médecine que Aisha. Je lui demandais : ô ma tante, de qui as-tu appris la médecine ? Elle dit : J’entendais les gens se prescrire des remèdes et je les mémorisais.’
Sa deuxième aptitude est sa capacité à prendre le dessus sur sa nature et sa personnalité qui se caractérisait par la jalousie, la fermeté, la témérité, dans le but de transmettre son message. Elle était très jalouse. Ce qui est compréhensible vu qu’elle était la seule fille de sa mère et qu’elle était choyée. Elle n’avait pas de sœur germaine mais se trouvait entre deux frères. Puis, durant son mariage, elle était la préférée du Prophète, . Cet aspect de concurrence était bien présent chez elle mais elle n’y remédia pas de suite. C’est pourquoi elle était très jalouse.
Cette jalousie l’a menée a dénigré Sawda que pourtant elle respectait. Elle souhaitait être comme elle. Un jour elle dit : « Je n’ai jamais souhaité autant ressembler à une femme que Sawda bint Zam’a » (Muslim). Elle a aussi cassé un plat qui contenait de la nourriture et appartenait à une de ses coépouses et était destiné au Prophète, , et ses compagnons. Ils se trouvaient tous chez elle. Et le Prophète dit alors : « Votre mère est prise de jalousie. » (Boukhari). Elle était également jalouse des surnoms de ses coépouses. C’est ce qui est rapporté dans les sunan de Abû Dâwûd où elle dit : « Ô messager d’Allah, toutes mes coépouses ont des surnoms ! Il lui dit : Donne-toi le surnom de ton fils Abdullah ! » Il entendait par là le fils de sa sœur Asma : Abdullah ibn Al-Zubayr. Elle était donc surnommée Umm Abdullah.