jeudi, novembre 14

Omar ibn al-Khattâb (r. de 634 à 644) était le deuxième calife du califat Rashidun (632-661, nom donné aux quatre premiers califes par les musulmans sunnites). Il se convertit très tôt à l’islam et fut l’un des proches compagnons du prophète Mahomet (570-632). Après la mort de Mahomet, il apporta son soutien le plus total et le plus loyal à Abou Bakr, qui devint alors le premier calife. Après la mort d’Abou Bakr en 634, Omar devint le calife suivant. Il poursuivit les campagnes de son prédécesseur et étendit sa domination au-delà de la péninsule arabique. Outre ses nombreux succès militaires, son règne fut marqué par des prouesses administratives. Après sa mort, Othman ibn Affan (alias Osman, 579-656) lui succéda en tant que troisième souverain du califat Rashidun.

Jeunesse et conversion à l’islam

Omar ibn al-Khattâb était le fils de Khattâb ibn Nufayl; il vit le jour à La Mecque en 584. Bien que bien éduqué, il aimait et savait se battre et monter à cheval; il avait acquis une certaine réputation en tant que lutteur. Comme l’apôtre Paul dans le christianisme, Omar était un persécuteur devenu croyant; il avait dans un premier temps méprisé Mahomet avant de devenir un fervent adepte et, à certains moments, il défendit même les musulmans contre le harcèlement physique de habitants de la Mecque.

Alors que la plupart des compagnons de Mahomet quittèrent La Mecque sans se faire remarquer pendant l’hégire (migration vers Médine en 622), Omar aurait ouvertement déclaré son départ et mis au défi quiconque de l’en empêcher – personne ne le fit. À Médine, il continua à soutenir Mahomet et fut l’un de ses proches confidents. Il participa même aux batailles de Badr et d’Uhud (respectivement en 624 et 625). Sa fille Hafsa (605-665), devenue veuve en 624, fut mariée au prophète en 625, faisant ainsi d’Omar son beau-père, aux côtés d’Abou Bakr, ce qui consolida sa relation avec le prophète.

Le califat

Après la mort de Mahomet, Omar se rendit compte des capacités d’Abou Bakr et le soutint pleinement dans sa candidature à la direction de la communauté, l’aidant à devenir le premier calife du califat Rashidun; ce poste était également disputé par les partisans (chiites) d’Ali ibn abi-Talib (601-661, un autre proche compagnon et gendre du Prophète). Après le succès d’Abou Bakr, Omar lui servit de conseiller et apprit également beaucoup de choses de lui (surtout en matière de leadership). Le calife Abou Bakr (r. de 632 à 634) fut confronté à une rébellion ouverte d’apostats (personnes ayant abandonné l’islam) dans toute la péninsule arabique. Il les soumit tous au cours de ce que l’on a appelé les guerres de Ridda ou guerres d’apostasie (632-633). Après avoir réunifié les Arabes, Abou Bakr lança des invasions dans la Syrie tenue par les Byzantins et dans l’Irak tenu par les Sassanides en 633 qui portèrent leurs fruits au moment de sa mort en 634 (en dépit d’un léger revers en Irak).

LA PREMIÈRE PRIORITÉ D’OMAR FUT DE CONSOLIDER SON EMPRISE SUR L’EMPIRE ET DE PRENDRE EN MAIN L’ADMINISTRATION.

La figure militaire la plus remarquable de l’époque d’Abou Bakr était Khalid ibn al-Walid (585-642), cher à Abou Bakr (malgré ses défauts) pour son talent unique en matière de guerre. Les compétences de Khalid s’avérèrent très utiles lors des guerres d’apostasie et de l’invasion ultérieure de l’Irak ; depuis l’Irak, il se rendit sur le front syrien pour affronter une importante contre-attaque byzantine, sur les ordres d’Abou Bakr, lors de la bataille d’Ajnadayn (634). Ce jour-là, les musulmans remportèrent une victoire décisive, mais Abou Bakr ne vécut pas assez longtemps pour profiter de ce succès et l’avancée des musulmans en Irak avait également été compromise en l’absence de Khalid. Sur son lit de mort, Abou Bakr désigna Omar comme son successeur; il devint calife en 634 (il ajouta l’expression « commandeur des fidèles » après son titre) et régna pendant dix ans, jusqu’en 644. La première priorité d’Omar fut de consolider son emprise sur l’empire et de prendre en main l’administration, puis il se tourna vers les campagnes en cours en Irak et en Syrie.

Omar retira à Khalid le commandement de la division syrienne pour des raisons incertaines et très controversées. Il confia le commandement à son favori: Abû `Ubayda ibn al-Jarrâh (583-639), un chef humain et un véritable gentleman; il avait également été l’un des compagnons préférés de Mahomet (il y en avait dix au total, dont quatre étaient les quatre califes Rashidun). Le calife renforça également les forces musulmanes en Irak avec des troupes fraîches sous la direction d’un nouveau chef: Sa’d ibn Abi Waqqas (595-674).

Batailles de Yarmouk et d’Al-Qadisiyya

En 636, l’Empire byzantin riposta aux musulmans. Bien que Khalid n’ait plus officiellement été en charge du commandement, il était très respecté par les soldats en raison de son expertise en matière de guerre et, suivant ses conseils, les forces musulmanes se retirèrent vers la rivière Yarmouk. C’est là que se déroula la célèbre bataille de Yarmouk qui déterminerait le sort de la région pour les siècles à venir. Les troupes d’élite byzantines étaient plus nombreuses que leurs adversaires, mais Khalid n’était pas étranger à la lutte contre l’adversité. Les Byzantins subirent une défaite écrasante; l’armée fut mise en déroute, massacrée et de nombreuses personnes périrent noyées dans le fleuve. Non seulement la position des musulmans en Syrie devint incontestable, mais ils s’emparèrent également du Levant peu après. Plus tard dans la même année, ils étaient aux portes de Jérusalem, la troisième ville sainte de l’islam, également sainte pour les Juifs et les Chrétiens.

La même année, de l’autre côté du désert syrien, les forces sarrasines (nom donné par les européens pour désigner les Arabes et les musulmans) dirigées par Sa’ad firent face au puissant empire sassanide et son chef légendaire, Rostam Farrokhzad – un homme à la hauteur de la réputation de Khalid. La bataille d’al-Qadisiyya (636) s’avéra désespérée pour les Arabes dans un premier temps, mais la mort fatidique de Rostam démoralisa ses forces, qui furent alors totalement vaincues. Les forces des Rashidun triomphèrent une fois de plus face à un nombre impressionnant d’adversaires, et cette victoire leur permit immédiatement de contrôler l’ensemble de l’Irak et la capitale sassanide de Ctésiphon. Omar ordonna aux forces de ne pas pénétrer dans le territoire inconnu de l’Iran, de peur qu’elles ne soient vaincues et que leurs gains ne soient annulés. L’importance de ces deux victoires ne peut être surestimée; les défenses des forces adverses furent écrasées et elles ne pouvaient plus lancer de contre-attaques aussi efficaces que les précédentes..

Après le succès de Yarmouk, Omar arriva en Syrie et au Levant principalement pour recevoir la reddition de Jérusalem (qui était assiégée) et pour gérer les affaires intérieures de la région. Omar écarta définitivement Khalid du commandement; les sources ne s’accordent pas sur la question de savoir si Omar avait des problèmes personnels avec lui ou si cette décision était due à la dureté de Khalid. La grande majorité des historiens musulmans suggèrent qu’Omar aurait agi ainsi pour montrer que c’était Dieu qui leur avait donné leurs victoires et que, peu importe qui les dirigeait, l’aide de Dieu était le seul facteur déterminant; c’est du moins ce qu’il annonça en public. Il est possible qu’Omar ait pensé exactement comme il l’avait déclaré ou que sa véritable raison ait été l’une des deux mentionnées ci-dessus; la véritable raison reste enveloppée de mystère.

Khalid, malgré les controverses dont il fit l’objet, était très populaire parmi les troupes musulmanes qui le suivaient dans n’importe quelle bataille, quelles qu’aient été les chances de succès. Avant d’être démis de ses fonctions, Khalid avait mené avec succès des expéditions en Anatolie et en Arménie en 638, et bien qu’il ait été encouragé à se rebeller contre le calife, il refusa de le faire et se retira paisiblement. Omar nomme Abû `Ubayda gouverneur de la Syrie – il souhaitait également le nommer en tant que successeur, mais ce dernier mourut en 639 la suite de la peste qui avait dévasté la région.

Reddition de Jérusalem

EN 70 DE NOTRE ÈRE, LES ROMAINS AVAIENT CHASSÉ LES JUIFS DE LA VILLE SAINTE, OMAR LEUR PERMIT D’Y REVENIR.

Jérusalem est une ville sainte pour les musulmans, tout comme pour les chrétiens et les juifs. Selon la tradition islamique, en 621, le prophète Mahomet se serait rendu dans la ville pendant la nuit et serait monté au ciel à partir de là. La nature exacte de ce voyage est débattue par les musulmans: certains affirment qu’il s’agissait d’un rêve, d’autres suggèrent que le voyage était astral, et d’autres encore affirment qu’il s’agissait d’un voyage physique. Quoi qu’il en soit, Jérusalem acquit par la suite une importance sans précédent dans l’islam.

En 637, alors que les forces musulmanes étaient aux portes de la ville sainte, le patriarche de Jérusalem, Sophrone (c. 560-638), voyant qu’aucune force byzantine ne viendrait les secourir, demanda en personne une reddition pacifique à Omar. Comme nous l’avons vu plus haut, cela incita le calife à quitter sa capitale sans aucun entourage et de manière tout à fait impromptue; il atteignit la Syrie où il offrit des conditions clémentes aux villes nouvellement conquises (comme Khalid l’avait fait également), puis il se rendit à Jérusalem, où Sophrone lui fit faire une visite guidée de la ville, qu’il lui remit ensuite. Plus de cinq siècles auparavant, en 70 de notre ère, les Romains avaient chassé les Juifs de la ville sainte, mais Omar leur permit d’y retourner, car elle était sainte pour eux aussi.

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Nouveaux gains impériaux

Après avoir renforcé son emprise sur la Syrie et le Levant, en 640, Omar se laissa convaincre par Amr ibn al-As (c. 573-664, l’un des commandants militaires envoyés en Syrie sous le règne d’Abou Bakr) d’envahir l’Égypte sous prétexte de couper les assauts navals byzantins sur le Levant. Omar, de nature prudente, hésita d’abord à prendre le risque d’une telle entreprise, mais il finit par se plier à la volonté d’Amr. Renforcé par les forces du calife sous la direction de Zubayr ibn al-Awwam (594-656), Amr affronta l’armée byzantine, qui subit une défaite décisive lors de la bataille d’Héliopolis (640), et en 642, l’Égypte fut prise.

Administration

Les succès militaires du règne d’Omar tendent à rester le point central de la plupart des histoires écrites à son sujet, mais ses compétences administratives éclipsent facilement les réalisations sur le terrain, certaines des caractéristiques les plus importantes de la politique d’Omar sont les suivantes:

  • Des conditions clémentes étaient offertes aux peuples nouvellement conquis, notamment la liberté religieuse, mais ils devaient payer un impôt spécial appelé jizya.
  • L’achat de terres dans les territoires nouvellement acquis était interdit.
  • Les troupes étaient logées séparément des populations locales dans les villes de garnison.
  • Des pensions, des forces de police, des tribunaux et des allocations étaient mis en place pour faciliter la vie des gens.
  • Un trésor d’État permanent appelé Bayt al Mal (maison de la fortune) fut créé.
  • Un système judiciaire intransigeant fondé sur des normes de justice suprêmes fut mis en place.

Aux peuples qui étaient passés sous son autorité par la conquête, il offrit des conditions clémentes, des impôts peu élevés, une protection totale contre les gouverneurs ou les troupes abusifs et l’indépendance religieuse. Les non-musulmans étant exemptés du paiement de l’aumône (zakat) ou du service militaire (qui était obligatoire pour tous les musulmans valides), ils étaient soumis à un impôt distinct, la jiziya, et étaient désignés sous le nom de dhimi (peuple protégé). Omar empêcha également les querelles tribales des Arabes exaltés de faire surface grâce à son règne strict – ses successeurs n’y parviendraient pas aussi bien que lui.

Au lieu de distribuer les terres conquises aux troupes, comme on aurait pu s’y attendre de la part d’un cheikh du désert, Omar instaura des pensions pour ses hommes (payées par un bureau bureaucratique appelé diwan) et permit aux propriétaires terriens de conserver leurs biens. Il protégea également les populations nouvellement conquises contre les agressions de soldats malhonnêtes en construisant des villes de garnison pour loger les armées, à l’écart de la population locale: Fostat en Égypte, Koufa et Bassorah en Irak en sont des exemples.

Il s’attaqua à plusieurs problèmes sérieux et graves, tels que la dévastation causée par la peste en Syrie – après quoi Muʿawiya (602-680) fut envoyé comme nouveau gouverneur, Abû `Ubayda étant décédé. Il fit également distribuer de la nourriture à la population locale lors d’une famine en Arabie (638), sauvant ainsi la vie d’innombrables personnes. Non seulement il introduisit des juges et des jurys pour traiter les affaires locales, mais aussi des tribunaux spéciaux pour demander des comptes aux fonctionnaires en cas d’abus de pouvoir. Une force de police fut mise en place pour maintenir la discipline dans les villes, au lieu de confier cette tâche délicate aux armées. Pour financer ces institutions et subvenir aux besoins de la population, un trésor public permanent, le Bayt al Mal (maison de la fortune), fut créé.

L’amour de la justice d’Omar surpassait tous ses autres traits de caractère, tant pour l’efficacité de son règne que pour sa renommée posthume (du moins aux yeux des sunnites et même de certains chiites). En raison de sa nature juste, il avait mérité le titre de Farooq, celui qui fait la distinction entre le bien et le mal. Dans la tradition islamique, une histoire qui lui est souvent associée raconte qu’il avait fouetté son propre fils accusé d’adultère et que le pauvre garçon en était mort. Les accusations s’étaient avérées fausses après la mort du jeune homme, mais le père affligé ne vengea pas son fils bien-aimé.

Bien que cet incident (et bien d’autres du même genre) ne soit peut-être qu’une fable, on peut néanmoins constater l’impact de son caractère qui inspira de telles odes en sa faveur, des siècles après sa mort. L’érudit Syed Ameer Ali mentionne également l’un de ces incidents :

Lorsque le butin de Jalula et de Madain (d’Irak; Madain fait référence à Ctésiphon) est arrivé à Médine, le calife a été trouvé en train de pleurer. Lorsqu’on lui en demanda la raison, il répondit qu’il voyait dans ce butin la ruine future de son peuple, et il n’avait pas tort… (29-30)

Mort et héritage

En 634, alors qu’il faisait la prière en congrégation, Omar fut poignardé à plusieurs reprises dans le dos par un esclave perse nommé Aboû Lou’lou’a. Certains affirment que l’esclave en voulait personnellement au calife, tandis que d’autres historiens éminents (comme Saunders) prétendent qu’il s’agissait d’un acte de rétribution pour la défaite perse lors de la bataille de Nahavand – ‘homme s’était senti déshonoré par la perte de sa civilisation et avait décidé de venger ses frères tombés au champ d’honneur.

Omar était une personne pragmatique et se rendit compte que ses blessures étaient mortelles lorsqu’on le ramena chez lui. Lorsqu’il s’enquit de son agresseur, il exprima son soulagement de savoir qu’il n’avait pas été tué par un autre musulman. Il nomma ensuite un comité de six membres, composé d’hommes compétents, pour élire un nouveau calife. Omar prouva son impartialité dans cette affaire en déclarant qu’il n’avait pas choisi son propre fils ou l’un de ses parents; après la mort d’Omar, Osman fut choisi comme successeur d’Omar. Le vieux calife mourut en laissant derrière lui un héritage durable, qui se perpétuerait pendant des siècles après sa mort. Dans son livre A History of Medieval Islam, l’historien John Joseph Saunders le qualifia de « véritable fondateur de l’empire arabe ». Il fut enterré près de la tombe du Prophète (qui fait partie de la mosquée du Prophète à Médine).

Au cours de son règne de dix ans, Omar non seulement gouverna efficacement, mais il réussit également à s’emparer de toutes les dominations sassanides et d’une grande partie de l’ancien territoire des Césars. Ces conquêtes militaires, préludes à d’autres, continueraient à apporter à l’empire des revenus considérables, qui serviraient à financer de grands projets, comme la mosquée al-Aqsa, dont les fondations furent posées par Omar à Jérusalem (elle serait agrandie davantage par les souverains suivants).

Le système administratif d’Omar constituerait le cadre de base sur lequel les califats islamiques continueraient d’être gérés par ses successeurs après sa mort. Le calendrier islamique – l’un des plus importants héritages des musulmans – fut formulé par lui; basé sur le calendrier lunaire arabe, il retient l’année de l’hégire comme année zéro, c’est-à-dire 0 AH / Zéro « après l’hégire » (migration du prophète Mahomet de La Mecque à Médine en 622).

La personnalité d’Omar et sa légitimité ont fait l’objet de controverses. Alors que les sunnites (qui considèrent les quatre califes rashidun comme étant égaux dans leur légitimité) le considèrent comme un homme intransigeant en matière de moralité et de justice, les chiites, en revanche, le considèrent comme une personne cruelle. En outre, alors que la majorité des sunnites considèrent sa revendication du califat comme légitime, la grande majorité des chiites le considèrent comme un usurpateur (aux côtés d’Abou Bakr et d’Osman). Bien que ces débats continuent de faire rage parmi les musulmans des siècles après sa mort, et qu’il ne semble pas y avoir de fin en vue, aucune personne rationnelle ne peut remettre en cause ses réalisations.

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