Le phénomène de la mendicité frappe durement le visiteur étranger dès qu’il met le pied au Sénégal. Les mendiants sont innombrables, de tous sexes et de tous âges. Des vieux lépreux aux pauvres enfants exploités par les marabouts sans foi ni loi, la communauté est sans cesse sollicitée par de pauvres gens sans ressources. Quand on connait la pauvreté du pays et de ses habitants, on peut aisément comprendre l’extrême dénuement de cette frange miséreuse de la population. Selon le rapport annuel du PNUD 2013, 50,6% de la population sénégalaise vit dans une situation « d’êxtreme pauvreté ». Plusieurs éléments peuvent expliquer ce nombre de mendiants qui croit de façon exponentielle.
A l’instar de l’ensemble des pays sous-développés (peut-on qualifier les pays africains de « pays en voie de développement » quand on voit la manière chronique dans laquelle ils s’installent dans la pauvreté ?) le Sénégal n’a pas de loi, ni évidemment de financement pour protéger les handicapés. Miséreux dont les membres sont rongés par la lèpre, aveugles, martyrs de la poliomyélite (photo à droite), Casamançais ayant sauté sur une mine : le spectacle est hélas omniprésent et quotidien. Si aujourd’hui, la polio et la lèpre sont totalement vaincues au Sénégal, les pauvres gens qui ont contracté la maladie il y a des années sont forcés, pour avoir un revenu et ne pas dépendre d’une famille parfois très pauvre, de mendier dans la rue.
Photo à gauche : si les nouveaux cas de poliomyélite sont exceptionnels au Sénégal, les victimes atteintes de cette infection il y a des années sont souvent réduites à la mendicité.
Le travail étant une denrée rare pour les valides, les handicapés ont hélas très rarement l’occasion de trouver un emploi. Quelques ONG oeuvrent dans ce sens en proposant à ces invalides des travaux de confection dans des ateliers de réintégration. La lutte contre la déscolarisation des enfants victimes d’un handicap est également une priorité. La solidarité de la communauté doit donc permettre aux plus courageux d’avoir un petit revenu de subsistance. Dans la rue ou aux arrêts de cars rapides, le Sénégalais est donc sollicité. L’aumône étant un des cinq piliers de l’islam, les Sénégalais donnent donc assez souvent une pièce de 5, 10 ou 25CFA à ces handicapés. Le plus triste vient du fait qu’il n’est pas rare, notamment pour les aveugles, de voir les invalides accompagnés d’un enfant qui leur sert de guide au lieu d’aller à l’école… le cercle vicieux de la misère. Il est à noter qu’ici encore, la mendicité des handicapés est très différente suivant les communautés ethniques. Vous verrez ainsi rarement un Casamançais (qu’il soit diola, balante, manjak ou mankagne) mendier dans la rue, et ce à la fois pour des raisons de religion que de tradition.
Les femmes :
Si la condition féminine au Sénégal est enviable au regard de celle constatée dans d’autres pays d’Afrique comme le Mali, le Niger, le Nigeria, etc… les femmes veuves ou divorcées et les mères célibataires sont très souvent véritablement mises au ban de la société. Comme pour les handicapés, les aides de l’Etat sont nulles pour ces personnes particulièrement nécessiteuses. Seules quelques associations prennent le relai de la mendicité pour les sortir de cette situation. La solidarité nationale n’a pas les moyens… Alors qu’un petit capital de 100€ suffirait à créer un petit commerce dans le secteur informel, ces femmes sont réduites à la mendicité si leur âge et leur condition physique ne les poussent pas à la prostitution. Il est quasiment impossible à une mère de famille célibataire et sans diplôme de s’en sortir seule au Sénégal. Et avoir un enfant hors mariage conduit parfois les familles rurales, pour ne pas voir la honte tomber sur elles, à expédier la coupable loin du village et donc souvent à Dakar. La mendicité reste donc un des seuls recours qui voit en conséquence les villes se remplir de femmes mendiantes souvent condamnées à vie à ce statut.
Les talibés :
Véritable fléau national, le scandale des talibés a ému la communauté internationale depuis des années (voir aussi la page « religion« ). Les talibés* sont des enfants issus la plupart du temps de familles musulmanes miséreuses et placés par les parents chez un petit marabout escroc qui en échange d’une pseudo-instruction coranique, du couvert et du logis, sont censés recueillir l’aumône dans la rue quelques heures par semaine. La réalité est toute autre. Certains marabouts accueillent plusieurs dizaines d’enfants parfois d’à peine 4 ou 5 ans, les maltraitent, ne les soignent pas, les nourrissent au lance-pierre et les font mendier 7 jours sur 7, durant toute la journée, voir même la nuit. Le résultat est éloquent : les milliers d’enfants en haillons, mal nourris, sales, pied-nus, souvent malades qui courent les rues à la recherche des quelques CFA qui leur permettront de ne pas se faire corriger physiquement par leur tortionnaire en arrivant « à la maison ». Combien sont-ils? Les ONG évaluent leur nombre à plus de 150 000 à travers le pays. Ces pauvres enfants fournissent évidemment dès l’adolescence l’essentiel de la criminalité du pays. Comment en serait-il autrement quand arrivés à 15 ans, ils n’ont appris aucun métier, ne savent ni lire ni écrire (pas même l’arabe d’ailleurs…) et ont rompu les liens qui les unissaient à leur famille ? Ce scandale typiquement sénégalais poussent des centaines de milliers de gosses à une misère certaine et le pays à devenir un coupe-gorge à brève échéance. Encore une fois, il est important de souligner le caractère forcément religieux du problème des talibés ainsi que son caractère régional, n’en déplaise aux bien-pensants et aux politiquement corrects : les communautés casamançaises n’envoient que très rarement leurs enfants à cette petite mort, qu’ils soient musulmans ou non. Les quelques rares talibés de Ziguinchor sont d’ailleurs issus de familles du Nord du Sénégal. Il en est de même pour les musulmans orthodoxes du pays, principalement les Peulhs. Le problème des talibés est donc principalement un problème confrérique car d’autres pays musulmans de la sous-région, autrement moins bien lotis économiquement, ne connaissent pas ce phénomène de mendicité enfantine tel que le connaît le Sénégal.