Volet 2 – Idolâtrie et Irrationnalité
Selon le Coran, Possession, envoûtement et mauvais œil n’existent pas !
Analyse littérale de la Sourate 113
Ce deuxième volet est consacré à la suite de notre Exégèse Littérale de la Sourate 113. Comme nous l’avons mentionné en l’article précédent, nous avons démontré que le verset référent S2.V102 invalide totalement la croyance en la sorcellerie et la magie.[1] La critique coranique rejette totalement ces superstitions tandis que l’Exégèse islamique les valide et les institutionnalise. Ce même conflit est donc retrouvé quant au propos de la Sourate 113.
De fait, le Coran poursuit sa critique monothéiste et rationnelle et va déconstruire trois des superstitions les plus courantes au temps coranique et, malheureusement, encore à notre époque.[2] Les vs3-5 de la Sourate 113 font ainsi référence à la croyance en la possession, l’envoûtement, le mauvais œil.
Thématiquement, il s’agit d’indiquer que l’irrationalité est liée à l’idolâtrie polythéiste tandis que de manière antithétique les vs1-2 mettent en évidence le lien entre monothéisme et rationalité ; cf. Volet 1 : https://oumma.com/selon-le-coran-possession-envoutement-et-mauvais-oeil-nexistent-pas-analyse-litterale-de-la-sourate-113/
– Voici tout d’abord notre traduction littérale de la Sourate 113, telle que publiée récemment[3] :
Au nom de Dieu, le Tout-Miséricorde, le Tout Miséricordieux
- Dis : Je me réfugie auprès du Seigneur de l’Aube à son lever
- contre le mal de ce qu’Il a créé,
- contre le mal d’une nuit obscure quand elle s’est renforcée,
- contre le mal de celles qui sur les nœuds ont soufflé,
- contre le mal d’un envieux quand il a convoité.
***
– De ces mots : « contre le mal d’une nuit obscure quand elle s’est renforcée », v3. En fonction de ce qui précède, il est ici fait allusion à l’antique peur des Hommes qui, enveloppés par la nuit, l’imaginaient peuplée de créatures maléfiques, les lueurs de l’aurore délivrant alors le monde de cette emprise.
C’est de ce fond archaïque qu’est née la croyance des Arabes polythéistes quant à l’emprise de forces occultes sur la raison et le corps des Hommes, croyance du reste quasi universelle. Par ailleurs, si l’hapax ghāsiq qualifie effectivement le début de la nuit noire : la « nuit obscure », l’hapax verbal waqaba ne signifie pas s’approfondir, devenir sombre, s’étendre et autres significations faussement induites par l’idée exégétique d’une simple description physique de la nuit s’assombrissant.
Sémantiquement, au sens propre le verbe waqaba signifie s’introduire, se dérober, se cacher, s’enfoncer et, au sens figuré au sujet d’un malheur : envahir, cerner, envelopper, entourer.
En lien avec les fausses croyances que le Coran dénonce, l’on est donc amené à penser que par « contre le mal d’une nuit obscure/ghāsiq quand elle s’est renforcée/waqaba » est donnée l’image de tous les états psychiques et altérations physiques profondes que les Hommes en leur ignorance attribuaient à divers process de possession dus à des êtres maléfiques, djinns, sorciers et autres.
Nous l’avons vu autant de superstitions sans fondement que le Coran rejette rationnellement au nom de la foi en l’unicité de Dieu, laquelle implique qu’aucun élément de la création divine ne puisse détenir la moindre parcelle de pouvoir occulte. Aussi, « Dis : Je me réfugie auprès du Seigneur de l’Aube à son lever [la révélation monothéiste rationnelle] », le seul Maître et le seul détenteur du pouvoir, « contre le mal » de l’ignorance et des superstitions.
Celles-ci consistant à croire que certains troubles et maux qui nous atteignent proviennent de cas de possessions mentales que vous qualifiez de « nuit obscure quand elle s’est renforcée » en nous. L’on notera que le terme ghāsiq est indéterminé, sans l’article : « une nuit obscure », ce qui indique qu’il ne s’agit pas de la nuit elle-même, mais d’une obscurité particulière décrivant l’obscurcissement des états intérieurs selon les croyances des Arabes idolâtres polythéistes.
– De ces mots : « contre le mal de celles qui sur les nœuds ont soufflé », v4. Ce verset mentionne donc la deuxième des croyances magiques irrationnelles rejetées en cette sourate. Il s’agit de désigner ainsi l’envoûtement, croyances et pratiques répandues quasi universellement. L’on relève que le terme an–naffāthāt/celles qui soufflent suppose que selon la croyance des Arabes seules les femmes usaient de cette magie.
Curieusement, sans doute à cause de l’exégèse de cette sourate, dans le hadîth concernant la personne qui aurait ensorcelé le Prophète à l’aide d’une cordelette nouée, l’on constate qu’il s’agit d’un homme, un juif dénommé Labīd ibn al–A‘ṣam. Pour le moins, cela prouve qu’au IIe siècle cette pratique de sorcellerie, et la sorcellerie en général, était imputée aussi bien aux hommes qu’aux femmes.[4]
Selon nos commentateurs, pour cette technique de magie noire l’envoûteur réalisait un certain nombre de nœuds tout en soufflant ou postillonnant dessus, sens du verbe naffatha, comme pour y insuffler de son pouvoir. Ce maléfice est alors réputé envoûter celui contre lequel il est dirigé et c’est de cette croyance que le v4 témoigne.
L’Exégèse a tout particulièrement validé la réalité opérante de ce type d’ensorcellement et a ainsi fondé la croyance islamique en cette superstition, les onze nœuds de Labīb sont encore noués en nos esprits. La boucle fut bouclée, le nœud herméneutique étrangla la frêle raison solitaire. Bien évidemment, tout comme précédemment, cette sourate et ce verset nient toute réalité à la sorcellerie comme à toutes autres formes de pouvoirs occultes et rejettent ces croyances et pratiques relevant du chamanisme et du paganisme et, à vrai dire, du charlatanisme.
Que les idolâtres arabes aient pu croire à cela se comprend, qu’un croyant monothéiste y porte foi est bien plus problématique, car seul Dieu possède le pouvoir d’influer sur le cours des évènements et des êtres. Qu’un musulman contemporain persiste encore à y croire au nom de sa foi relève d’une schizophrénie piétiste, pathologie de l’âme et de l’esprit.
Nous l’avons dit, le Coran s’oppose fermement à la croyance en la sorcellerie et la magie puisque la foi monothéiste telle qu’il la définit appelle à une lecture rationnelle du monde, seul paradigme à même d’allier Foi et Raison.
– De ces mots : « contre le mal d’un envieux quand il a convoité », v5. Il s’agit là de la troisième croyance qu’il est demandé de fuir afin de se réfugier en Dieu contre toutes les superstitions infondées qui construisent l’irrationalité du rapport des Hommes au Monde. Le « mal/sharr » en question peut être identifié à ce que les cultures populaires, là aussi de manière quasi universelle, nomment le mauvais œil.
En effet, ceci suppose comme réel le fait qu’un simple regard émanant d’une personne mal intentionnée, le plus souvent par envie : « le mal d’un envieux/ḥāsid », puisse détruire d’une manière ou d’une autre les choses ou êtres qu’il « a convoité/ḥasada ».
De fait, la croyance au mauvais œil repose sur une très ancienne théorie quant à la nature du regard. Pour les Égyptiens, les Grecs et les cultures de l’Orient proche, le regard vient de l’œil comme les rayons du Soleil font qu’il est celui qui voit tout. De la sorte, le soleil est l’œil du jour, la lune l’œil de la nuit et leurs rayonnements sont ce par quoi ces deux astres voient, par analogie il en est donc de même de l’œil humain.
Ainsi, puisque le regard pour eux venait de l’œil lui supposa-t-on selon cette “logique” un pouvoir sur les choses : le mauvais œil ! Toutefois, en quoi devrions-nous être dans l’obligation de rappeler que rationnellement et physiologiquement le regard n’est pas un phénomène qui part de l’œil vers l’objet regardé, mais l’inverse, c.-à-d. la perception passive par l’œil de la lumière réfractée par la chose regardée.
Ceci étant, et comme précédemment, l’Exégèse a entériné la croyance au mauvais œil au mépris de sa condamnation coranique en l’inscrivant pour cela dans le marbre du Hadîth.
Citons parmi de nombreux dits : « Le mauvais œil est une réalité »[5] et cette affirmation anti-monothéiste et de plus contradictoire avec la croyance orthodoxe en la Prédestination semble avoir été pleinement endossée : « Si une chose peut devancer la prédestination, c’est le mauvais œil » ![6]
S’imaginer que des gens peuvent intervenir dans l’ordre de la création de Dieu et contre la puissance de Sa détermination s’oppose à la foi vraie en Dieu et en Sa Toute-puissance. Que les premiers exégètes et les générations de musulmans après eux aient pu croire à de telles ignorances reflète uniquement les mentalités et le niveau de connaissances de leurs époques.
Que des musulmans actuels persistent à croire au mauvais œil fait se demander s’ils ne seraient pas tous victimes d’un mauvais œil leur faisant prendre les vessies exégétiques pour les lanternes de la raison ! L’on consultera à nouveau notre analyse critique : Sorcellerie et Magie selon le Coran et en Islam.[7]
– Au final, en cette sourate qui déclare sans fondements les forces occultes, v2, a dénié toute réalité à trois superstitions profondément ancrées dans l’imaginaire des Hommes : la possession, v3, l’envoûtement, v4, le mauvais œil, v5. Il est ainsi demandé aux croyants de ne chercher de soutien qu’en Dieu et de ne craindre que Lui et d’effacer toute peur.
Il est le seul qui détienne le pouvoir sur Sa création, toute autre croyance n’est qu’illusion, égarement et prétention. Malgré tout, ce que le Coran citait afin de mieux le dénier a été interprété comme sous-entendant une validation coranique des phénomènes de magie et de sorcellerie. Alors que le Coran demande de se réfugier en Dieu contre toutes ces superstitions, c.-à-d. les rejeter au nom de la foi monothéiste, l’on a bien voulu comprendre qu’il s’agissait là de se protéger en Dieu contre la réalité de ces pratiques maléfiques, Dieu étant alors comme un contre-pouvoir. Mais, pour qui veut faire usage et de sa foi et de sa raison, comment admettre que Dieu puisse être en même temps le mal et sa guérison !
Par ailleurs, nous le répétons, le fait que Coran mentionne des pratiques de sorcellerie et des superstitions courantes et le fait que bien des Hommes croient à leur efficacité n’est absolument pas la preuve que le Coran en a ainsi validé la réalité et l’efficience, bien au contraire, nous l’aurons montré. Ce que donc le Coran condamna, l’Exégèse le refusa et, par suite, elle valida les pratiques talismaniques destinées à combattre les méfaits imaginaires de la sorcellerie et de la magie, notamment par la récitation des sourates 113 et 114 dites alors al–mu‘awwidhatān/les deux talismaniques ou protectrices.
À vrai dire, la persistance de ces archaïsmes détourne malheureusement les musulmans de la voie de la rationalité et du progrès à laquelle le Coran les appelait et les appelle encore. L’Islam, fruit de la mentalité des Hommes, s’est efforcé de réduire cette révolution révélée et d’imposer croyances et superstitions comme constitutives de notre foi…
Dr al Ajamî
[1] https://oumma.com/selon-le-coran-la-sorcellerie-et-la-magie-nexistent-pas-analyse-litterale-de-s2-v102-103/
[2] La quatrième de ces croyances est quant à elle envisagée par la Sourate 114 qui, de ce point de vue, est complémentaire de la Sourate 113. Nous publierons sous peu notre analyse de la Sourate 114.
[3] Traduction littérale du Coran – le Message à l’origine – par le Dr al Ajamî : https://www.alajami.fr/produit/le-coran-le-message-a-lorigine/
[4] Il semble bien que ceci fût remarqué puisque selon certaines versions de ce récit ce sont les filles de Labīd ibn al–A‘ṣam qui soufflèrent sur les nœuds…
[5] Hadîth rapporté par Muslim.