Préambule
Dans cet article, subdivisé en 5 parties, nous vous proposons d’aborder un aspect central de la spiritualité musulmane qui est la notion du djihad (djiahd an nafs) ou la résistance contre les passions contradictoires de l’ego. Il s’agira ici de penser cette notion de façon vivante, dans la vie du musulman et de la musulmane, tant d’un point du vue spirituel et universel que du point de vu de la psychologie.
Pour ce faire, nous vous proposons dans une première partie de définir notre cadre théorique en définissant les notions ci-dessous avec des exemples extraits du Coran :
1- La notion de « nafs »,
2- La notion de « ruh »,
3- La notion de« djihad »,
4- La notion de « harb »
5- Et la notion de « kétâl »
Cela nous permettra d’aborder, loin de toute confusion, la question du djihad – de la lutte, de l’effort – orienté vers un objectif, qui est une notion centrale dans la mise en œuvre vivante de la spiritualité musulmane.
Dans un second temps, nous allons nous intéresser à la purification intérieure résultante de ce travail intérieur, de ce djihad, ainsi qu’au rôle du savoir et de la quête de connaissance dans la philosophie de la spiritualité musulmane et dans sa démarche spirituelle.
Enfin, dans une troisième et dernière partie, au travers du hadith de l’ange Gabriel présentant les notions d’islam, d’iman et d’ihrsan, nous proposons d’aborder quelques exemples d’actualisation ou de mise en œuvre du djihad – l’effort orienté vers un objectif, la résistance, la réforme au quotidien – dans la vie du musulman et de la musulmane.
Ces sujets seront abordés en 4 articles et une conclusion, que vous pourrez lire de façon indépendante les uns des autres. N’hésitez pas à nous contacter par mail à lesjardinsdemystikaldemdikk@gmail.com pour recevoir en un seul fichier PDF la version complète de cet article.
Bonne lecture et bonne méditation !
Introduction
Le monde moderne mettant en avant la question du progrès tout comme celle de la rationalité au détriment de la quête spirituelle (pour plus de précisions voir René Guenon, La crise du monde moderne), cette vision matérielle de la cosmologie humaine pousse l’Homme à agir sans prendre le temps de l’introspection. Dans ce contexte, l’humain, minimisant et/ou niant sa part spirituelle, s’expose à de nombreux périls que nous pouvons d’ailleurs voir à l’œuvre dans nos sociétés dites modernes (conflits psychologiques, spirituels, sociétaux, écologiques, phénomènes de violence etc..).
Pourtant, les philosophies, les sciences en psychologie, tout comme les religions et les spiritualités, ont depuis toujours incité l’Homme à prendre conscience de lui-même et de son intériorité. C’est ainsi que le coran défini l’Homme comme étant un être qui a une prédisposition spirituelle, ou, plus précisément, comme étant un esprit donnant vie à un corps d’argile :
Quand ton Seigneur dit aux anges :
Je vais créer d’argile un être humain. Quand Je l’aurai bien formé et lui aurai insufflé de Mon Esprit (min rouhi), jetez-vous devant lui, prosternés.
Coran 38, 71 – 72
Rappelons que la conception musulmane de la nature humaine est positive contrairement à la conception chrétienne qui, notamment avec la notion de péché originel, conçoit l’être humain comme étant fondamentalement/intrinsèquement pécheur. En effet, cette notion est étrangère à la cosmologie musulmane puisque dans le coran, Dieu a pardonné à Adam et Ève qui se sont repentis. Il n’y a donc pas de péché originel en islam :
Et Nous dîmes : « Ô Adam, habite le Paradis toi et ton épouse, et nourrissez-vous-en de partout à votre guise ; mais n’approchez pas de l’arbre que voici : sinon vous seriez du nombre des injustes ». Peu de temps après, Satan les fit glisser de là et les fit sortir du lieu où ils étaient. Et Nous dîmes : « Descendez (du Paradis) ; ennemis les uns des autres. Et pour vous il y aura une demeure sur la terre, et un usufruit pour un temps ». Puis Adam reçut de son Seigneur des paroles, et Dieu agréa son repentir car c’est Lui certes, l’Accueillant au repentir, le Miséricordieux.
Coran 2, 35 – 37
De plus, en islam il conception positive de l’Homme, notamment avec la notion de fitrah – ou nature originelle de l’Homme, qui définit l’Homme, Musulman ou non, Croyant ou non, comme étant un être qui a une prédisposition morale qui le pousse instinctivement à croire, à se soumettre à Dieu, et, à s’incliner vers le bien. Le verset coranique ci-dessous aborde cette notion :
Dirige tout ton être vers la religion exclusivement [pour Dieu], telle est la nature que Dieu (fitra ta Llahi) a originellement donnée aux hommes – pas de changement à la création de Dieu -. Voilà la religion de droiture ; mais la plupart des gens ne savent pas.
Coran 30, 30
L’être humain est ainsi en tension, tiraillé vers cette inclinaison vers le bien et la droiture et ce risque de se laisser tenter et de basculer du côté de ses pulsions égotiques. Pour dépasser ces états, les philosophes, les sages et les mystiques notamment, nous invitent souvent à une introspection afin de pouvoir nous libérer de ce qui entrave notre âme et nous maintien en tension et dans une illusion de liberté. C’est ainsi, sur le fronton du temple d’Apollon à Delphes peut-on lire l’inscription :
« Connais-toi toi-même. »
Prendre conscience de soi serait donc le premier pas vers la sagesse. En outre, lorsque l’Homme chemine sur la voie spirituelle – le chemin vers soi et/ou vers la sagesse, il découvre que son microcosme épouse le macrocosme qui le dépasse, et, qu’il sait vraiment, que lorsqu’il comprend qu’il ne sait rien, eu égard à l’immensité de ce qu’il ignore. Une exigence d’humilité s’impose donc à lui.
Par ailleurs Socrate disait :
« Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien. »
En psychologie, chez Freud notamment, la conscience est décrite comme étant la surface d’un iceberg immergé, constitué majoritairement par l’inconscient. La conscience n’étant que « ce qui est connu de soi-même » alors qu’il se passe dans le psychisme bien plus de choses qu’il ne peut s’en révéler à la conscience. C’est ainsi que les deux topiques de Freud (préconscient – conscient – subconscient et ça – moi – surmoi), nous apprennent que le psychisme est un jeu de forces opposées, un voile qui se dévoile tout en se voilant, et, qu’il est par nature conflictuel. C’est pourquoi, le seul but de la psychanalyse et sa seule contribution est de découvrir l’inconscient dans la vie psychique, et, la psychanalyse se présente comme étant un moyen de connaissance de soi par excellence.
Il est à noter, que ce soit à l’époque de la Grèce antique ou dans les philosophies de toutes les spiritualités, qu’elles soient bouddhistes, asiatiques, africaines ou autre […], que l’expression de la philosophie théorique de l’individu passe d’une part par la connaissance, et d’autre part, par l’application de ses principes et de son éthique dans son quotidien et dans sa vie pratique et cela notamment au travers de ses actions.
